Dans le documentaire CITIZENFOUR de Laura Poitras, un moment est particulièrement frappant : celui de l’apparition, le 9 juin 2013, du visage d’Edward Snowden sur les écrans dans les rues de Hong Kong où il est réfugié. Cette scène est spectaculaire : elle installe une opposition dramatique entre Snowden et les Etats-Unis : de l’étranger, Snowden défie les Etats-Unis et leur souveraineté ; il affirme, au nom des idées démocratiques, son droit de fuir.
Depuis 2012, beaucoup d’images de Snowden, Assange, Manning, ont été publiées. J’en ai récemment retrouvé qui me semblent particulièrement marquantes. Elles possèdent une force émotionnelle et d’interpellation. D’où vient et que traduit la force politique de telles images?
Je voudrais, avant d’aller plus loin, montrer ces 3 images . Il s’agit de Manning, lors de son procès, de Snowden, à Hong Kong ; d’Assange, à l’ambassade d’Equateur à Londres

Manning lors de son procès en 2013
Les photographies de Snowden, Assange, Manning contiennent une charge d’émotion, ressentie comme telle quasiment partout à travers le monde, parce que nous éprouvons à travers elles l’irruption de quelque chose de nouveau, que nous ne connaissons pas – une nouvelle scène politique, un nouveau type de sujet politique – et la résistance ou la répression que cette irruption suscite . Elles mettent en évidence et saisissent la précarité juridique dans laquelle évoluent ces individus, l’intensité de la répression qui s’abat sur eux, et, dans le cas de Snowden et Assange, comment leur prise de parole est rendue possible par un geste de fuite qui met au crise l’emprise que les Etats exercent sur chacun d’entre nous.
Il n’est pas faux de dire qu’il y a quelque chose d’historique dans ces images. Mais à condition de préciser que ce n’est pas au sens où elles capteraient un mouvement constitué ou un moment reconnaissable. Elles mettent plutôt en scène quelque chose de l’ordre de la précarité et de la fragilité – une crise de notre sol théorique et de nos catégories de perception, la déstabilisation des cadres institués de la politique et l’intensité des forces de l’ordre qui tentent de la contenir ou de la conjurer. Ce sont des images de guerre, dans lesquelles on devine le surgissement possible d’une sorte d’à venir, qu’il s’agit de comprendre pour en accompagner à la fois l’invention et en démultiplier les effets de rupture.
Ps : j’emprunte l’expression « La force politique des images » à Patrick Boucheron : cette formule est le sous-titre de son très bel ouvrage ouvrage intitulé Conjurer la peur.
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