Texte d’une mise au point cosignée avec Edouard Louis.
Depuis quelques jours, nous sommes accusés de vouloir la « censure » ou de vouloir « interdire » à tel ou tel de parler. Cette façon de coder notre geste de refus d’aller aux Rendez-vous de l’histoire pour protester contre l’invitation faite à Marcel Gauchet de prononcer la conférence inaugurale est fausse, mensongère et inacceptable : C’est nous qui n’allons pas parler. Nous n’empêchons personne de parler : Nous nous retirons d’un événement et appelons à son boycott – c’est-à-dire que nous faisons appel à la liberté et à l’autonomie des auteurs. Nous n’interdisons rien et nous ne contraignons personne à rien !
Nous ne voulons pas prendre part à l’un de ces innombrables dispositifs qui, dans le champ culturel, voudraient toujours que l’on accepte la présence d’idéologues réactionnaires comme si de rien n’était, comme si cela était acceptable – ce qui revient à légitimer et banaliser les opinions les plus violemment conservatrices. Nous refusons de cautionner cet état de la scène intellectuelle.
Si censure il y a, elle se situerait plutôt dans les dispositifs qui, bien au-delà des Rendez-vous de l’histoire, veulent nous imposer de force les termes d’un débat ou des interlocuteurs qui occupent jour après jour toutes les tribunes et censurent ainsi la parole des autres, ce qui nous force donc à nous en retirer.